Danser les mots du canal
Jour 4 – jeudi 29 juillet - Blain -> Guenrouët
Et mon corps devient paysage
Aujourd’hui le chemin de halage nous mènera du château de Blain à Guenrouët. 20 km à parcourir.
Préparation du corps
Avant de partir, Victoria Delarozière nous transmet le cercle des sirènes. Épaule contre épaule, nous murmurons et chantons pour la personne située au centre du cercle. Vibrations de guérison.
Une famille rencontrée à la Guinguette des Jeannette nous a rejoint ce matin, ils viendront un par un au centre du cercle.
Elouan, Katel, leurs parents et leur mamie.
Puis nous nous mettons directement en marche, la préparation du corps se fait en mouvement aujourd’hui. C’est une expérience nouvelle.
Nous commençons par offrir notre poids au sol qui nous offrira son soutien à chaque pas. « Automassons-nous en cheminant ! »
Tout en marchant, nos mains pétrissent nos muscles, éveillent notre peau par tapotements. Le paysage intérieur de notre corps devient palpable, il se dessine sous nos mains. Et nous jouons à créer du lien entre intérieur et extérieur.
Quand je peux sentir à la fois ce qui se passe à l'intérieur de moi et à l'extérieur de moi je peux créer des ponts et des échappés. L'ampleur du ciel me rappelle l'immensité de l'espace autour de moi. Je peux prendre cette sensation et l'inviter dans mon corps pour le décompacter, pour m'offrir plus d’espace dans ma cage thoracique, plus d’espace entre les articulations...
A partir du pont qui rejoint le centre ville de Blain, Isabelle propose une pratique Feldenkraïs en mouvement.
On observe notre marche sans rien changer puis dans un jeu d’accentuations progressives de la rotation des hanches, on prend conscience de la différence entre côté gauche et côté droit.
A présent nous quittons le port de Blain pour rejoindre un paysage plus herbeux, c’est le moment des étirements en marchant, seul ou à deux. Nos accompagnants nous quittent.
A deux, l'autre sert d'appui dans un jeu de contrepoids. On avance joyeusement toutes penchés. Le poids a comme disparu.
Mise en mouvement des mots du canal
Court temps de pause pour se remettre en mémoire les mots du canal.
Bassin versant,
écluse,
rigole d'alimentation,
halage,
bief de partage,
ourlet du paysage,
déversoir,
rivière naturelle,
tirant d’eau,
méandre,
en marche d'escalier,…
Les mots du canal nous accompagnent depuis notre rencontre avec Gaëlle et Camille paysagistes chez MAP. Des mots techniques et précis. Des mots chargés de récits et d’histoires. Des mots utilisés par les personnes qui ont pensées, réalisées, pratiquées ce canal pour leur métier ou leurs loisirs.
Avec nos peaux, nos nez, nos yeux, nos oreilles, nos pieds foulant le sol, nous avons élargi ce vocabulaire en collectant nos sensations, nos observations, nos imaginaires :
bancs d’alevins de poissons chat,
dérive,
arbres qui appellent,
miroitement de l’eau,…
Nous nous invitons à choisir 3 mots et à les mettre en mouvement.
Commence alors une phase d’exploration dansée et marchée.
Victoria nous accompagne en improvisant avec son accordéon.
Les paysages se déploient en continu autour de nous. Créer des gestes en avançant nous invite à les répéter à l’infini comme une nouvelle façon de marcher.
Puis, par trio, nous nous transmettons ses gestes issus d’une combinaison d’imaginaire et de sens.
Chaque groupe regarde la danse de l’autre groupe. Et nous combinons l’ensemble.
Des fragments du canal, de son histoire, de ses paysages, de nos sensations, de nos imaginaires sont rendus visibles par cette succession de gestes.
Une chorégraphie en devenir…
L’imaginaire des gestes
L’expression « prairies inondées » devient une course, suivi d’un saut et d’un mouvement vif des mains vers le bas comme pour éclabousser tout autour,
Le mot « dérive » prend forme, les corps tanguent de droite à gauche, comme « quand tu ne sais plus quelle décision prendre »,
Le mot « diversité » devient de multiples variations d'ouverture de bras sur place, en courant, en sautant…
Cette possibilité de danse passante, nous l'offrirons aux nénuphars, au vent et aux arbres puis aux personnes présentes ce jour-là sur le chemin de halage à proximité de Guenrouët, assises au bord de l’eau ou devant leur camping-car, promenant leur chien…
Avancer, rencontrer, chanter, avaler le paysage et se faire avaler par lui
Avancer, avancer, avancer encore.
Tout en marchant d’un bon pas, nous entamons la Walking Song proposée par Victoria. Le groupe marche au coude à coude, une personne lance un son en boucle et la tient. Quand la boucle est solide, une autre peut s’y ajouter, et ainsi de suite. Une fois cela mis en place, des solos adviennent. La répétition des boucles de son change subtilement mon état de corps et accompagne la répétition de mes pas tout en les rythmant. Nous nous y reprenons à plusieurs fois Victoria nous invite écouter, à vérifier que notre voix est audible pour toutes, à nous demander si « tu peux entendre ta voix et celles des autres en même temps. Pourrais-tu identifier et refaire le son de chacune ? »
Ecoute, écoute, écoute…
Une belle métaphore et mise en corps pour un groupe.
A l’écluse de la Touche, un charmant bar en bord de canal nous accueille, Les Touche-à-tout. Marie-Joëlle et Yvon nous offrent une boisson et nous goûtons leurs gâteaux et glaces, ravies de cette pause gourmande. Leur jardin prolifique et serre aménagée créent une continuité avec l’environnement.
Trente minutes d’heure plus tard, la terrasse est pleine à présent.
Nous quittons le lieu en dansant, en contact avec des objets du lieu puis entre nous. Une danse Touche-à-tout.
Encore 8 km à parcourir. Pour soutenir notre marche rapide Victoria propose des chants qu’elle accompagne à l’accordéon.
Elle nous transmet « poule qui chante et coq qui pond » et un champ de moisson. La proximité des corps chantants, l’unisson et l’apprentissage nous porte, nous avalons les kilomètres.
Nous croisons des pêcheurs, Julie entame la conversation avec l’un d’eux. Il s’agit de François, retraité et danseur de salon chevronné. Quelle chance ! Nous dansons des rocks avec lui au bord du canal. Toute l’équipe de bande passante s’y met. Victoria danse une valse avec François tout en continuant à jouer de l’accordéon sous le regard amusé d’un autre pêcheur. Ils s’en souviendront. Nous reprenons la route.
Ecluse de Melneuf, rencontre avec David l'éclusier. Fleurs magnifiques et animaux sur l’île. Une douzaine de passages de bateau par jour en ce moment c'est calme. Dernière écluse avant Guenrouët, David a créé un mini office de tourisme avec flyers et affiches, nous y retrouvons notre « danse passante » en bonne place ! Merci David. Nous reprenons la marche.
Guenrouët est enfin en vue ! Nous décidons de reprendre le début de chorégraphie créée aujourd’hui.
Ce soir au gîte de la rivière blanche, pommes de terre, poisson fumé, salade et autres victuailles. Victoria part et Jean-Marie arrive, je partirai demain pour revenir lundi soir.
Véronique
L’arrivée à Guenrouet